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L’orgue Bénigne Boillot de l’église Saint-Symphorien

L’instrument que vous découvrez en regardant la tribune vous séduit immédiatement par l’élégance de son buffet, qui couronne une tribune, à laquelle on accède par un escalier à vis en bois sculpté d’une grande finesse, également.

 

Les principales étapes de cet instrument : 1620 env. - 1715 - 1761 – 1789 – 1865 – 1968 – 2017 !

L’indication en bandeau sur la tribune « Fait en 1761 (Laudate Dominum in Organo) » pourrait laisser penser que tout l’ensemble est de cette époque, mais ce n’est le cas que du buffet de l’orgue.

 

La tribune et son escalier ont été construits au moins 150 ans plus tôt, entre 1576 (mise à sac de la ville de Nuits par les troupes du prince Casimir) et 1621 (date de reprise par la paroisse, avec l’aide de la ville, au curé de l’époque, qui les avait fait reconstruire à ses frais, … avec un orgue déjà alors !).

Ce retour historique n’est pas inintéressant, car une partie importante des tuyaux de cet orgue de 1576 / 1621 sont encore présents à l’intérieur du buffet, et participent donc au patrimoine sonore de cet instrument, mais le nom de son « facteur d’orgues » nous est malheureusement inconnu.

 

Par contre, nous connaissons la composition de ce premier orgue, qui ne disposait que d’un clavier manuel et d’un pédalier de 13 notes (1 octave env.), grâce au second facteur d’orgues à avoir réparé puis agrandi cet instrument en 1715 : Etienne Tourneur (de Beaune).

Une tombe située devant la rosace du chœur de l’église (Bénigne Fraillery, mort en 1716, et père de l’organiste de 1713 à …1774 !) représente même très probablement le buffet de l’instrument, que Tourneur n’a dû qu’adapter, tout en y ajoutant un 2d clavier manuel (le « positif »), et une extension du pédalier à 17 notes.

 

Malheureusement, ce second clavier manuel disparaitra en 1789, devant les difficultés budgétaires de l’époque, mais entre-temps, deux séries de travaux auront été exécutés : - en 1761 : le remarquable buffet, avec les deux plans de tuyaux en façade (dont ceux du bas pour ce 2d clavier de positif, mais avec la particularité d’être rattachés au soubassement principal, au lieu de laisser la place, habituellement entre les deux, aux claviers, et à l’organiste, qui sont de ce fait renvoyés ici derrière l’orgue !).

Cette disposition avait probablement été déjà introduite sur l’ancien buffet dès 1715 par Tourneur (pour loger les tuyaux du 2d clavier de positif). Mais la reprise de cette disposition s’explique aussi par la présence à Nuits en 1761 du facteur d’orgues Bénigne Boillot (neveu de l’organiste Christine Fraillery !), qui a construit au moins un orgue avec cette même disposition particulière (à St Jean de Losne).

Une inscription sur l’arrière du buffet, précise que ce buffet a bien été fait en 1761, par 2 menuisiers, également de Nuits (et donc très probablement en lien avec Bénigne Boillot, qui a du intervenir au moins pour assortir les tuyaux de la nouvelle façade) - Entre 1787 et 1789, dans ce buffet, Bénigne Boillot associé au facteur d’orgues Bernard Maret (de Dijon, où Boillot habitait aussi alors) refait à neuf une partie importante (mais invisible de l’extérieur), le « sommier », supportant tous les tuyaux du clavier manuel principal, qu’il complète également, mais en devant renoncer (à cause des contraintes financières) à maintenir le clavier de positif (dont il ne reste alors que les tuyaux de façade…).

 

Après 75 ans sans intervention importante (d’autant plus que l’activité paroissiale s’est déplacée essentiellement sur l’église St Denis, au centre-ville), l’organiste de l’époque (de 1838 à 1877) inspire très probablement une restauration en 1865 par les facteurs d’orgues Verschneider (de Moselle), qui intervient sur 3 plans :

- un nouveau clavier de positif est construit, mais sans reconstituer les sonorités du positif de 1715, et sans permettre une utilisation simultanée à partir du clavier manuel principal…

- au clavier manuel principal, cinq jeux (sonorités) anciens sont supprimés, et remplacés par quatre jeux correspondant à l’esthétique musicale romantique de l’époque (sensiblement différente de l’époque classique d’avant la Révolution…), - enfin les tuyaux du pédalier sont déplacés des tourelles latérales vers les murs extérieurs (hors buffet, de façon assez disgracieuse).

 

Ces travaux sont au moins exécutés dans de bons matériaux, et l’orgue traverse ainsi un siècle dans cet état, d’autant plus que l’activité paroissiale continue à se tenir principalement à l’église St Denis (mais reconstruite en 1870 environ, et dotée alors d’un orgue à 2 claviers manuel et pédalier, du facteur d’orgue le plus connu de cette époque romantique : Cavaillé-Coll).

 

Depuis l’époque de la 2de guerre mondiale, l’état de l’orgue de l’église St Symphorien se détériore cependant peu à peu, mais à partir de 1968, l’intérêt d’un jeune habitant de Nuits pour cet instrument, avec l’aide d’un petit groupe de l’association « des amis du vieux Nuits », permet de commencer un cycle de remise en état (par la pose d’une soufflerie électrique : jusqu’alors, il fallait une ou deux personnes pour actionner les soufflets, et permettre ainsi à l’organiste de jouer l’orgue), et de modeste animation musicale, permettant de récolter quelques fonds. Grâce à ces derniers, en 1975, le facteur d’orgues Philippe Hartmann reconstitue sur le clavier manuel principal deux des jeux (= sonorités) de l’époque classique, à la place d’un des jeux romantique qui en avait pris la place en 1865.

 

Cela permettra de faire classer la partie antérieure à la révolution de l’orgue à l’inventaire des monuments Historiques depuis 1979 (le buffet l’était seul depuis 1910, en sus de l’escalier en 1903).

 

Et pendant quarante ans environ, les passionnés de cet instrument feront assurer des travaux minima d’entretien par le facteur d’orgues Jean Deloye (ancien ouvrier de Philippe Hartmann), financés par conseil général de Cote d’Or (avec l’appui des amis des orgues du département), et pourront ainsi maintenir pendant toute cette période une animation musicale régulière (reprise sous le patronage du nouveau nom de l’association « Amis pour la Sauvegarde de l’Eglise St Symphorien et du patrimoine du pays nuiton »), permettant de récolter déjà quelques fonds en vue d’une restauration.

 

Après la fermeture complète de l’église de 2003 à 2007, pour permettre sa mise en sécurité, et la restauration complète de l’intérieur (avec « empaquetage » sur place de l’orgue !), le maire de Nuits Alain Cartron (fils de l’organiste paroissial des années 1956 – 1985) a été convaincu de l’intérêt culturel pour la ville de Nuits de poursuivre ce travail de remise en valeur, et en 2010 le conseil municipal a décidé de financer, avec le soutien financier de l’association, une étude préalable de restauration véritable, nécessaire pour obtenir un financement important de la direction des affaires culturelles (et de la Région Bourgogne, et du département).

 

Après des réflexions approfondies sur les différentes options de restauration possibles, entre les responsables des Monuments Historiques (Monsieur Brottier, technicien-conseil, auteur de l’étude préalable, et Mr Ménissier, organiste rapporteur), et les animateurs locaux, la commission Supérieure Nationale d’octobre 2012 donne un avis favorable à la restauration « valorisant le matériel de l’Ancien régime ainsi que les meilleures parties du matériel subsistant des Verschneider, avec rétablissement d’une mécanique suspendue… ».

 

Avec la confirmation des divers financements publics évoqués ci-dessus, la ville de Nuits lance un appel d’offre en 2014, précisant l’orientation ci-dessus de la commission, après de nouveaux échanges avec les animateurs locaux, dans l’esprit du compromis le plus raisonnable, musicalement, techniquement, et financièrement, entre l’esthétique d’origine de l’Ancien régime, et les modifications romantiques des Verschneider :

- le maintien du ton actuel -diapason435Hz- (1 ton plus haut, depuis la période romantique que le ton de l’Ancien régime car un retour complet à ce dernier aurait entrainé des travaux dangereux, et couteux, sur beaucoup de tuyaux)

- le maintien d’une gamme modérément « tempérée », permettant d’exécuter les oeuvres de l’Ancien Régime dans des tonalités raisonnablement justes, tout en permettant aussi les autres tonalités (selon le principe mis en place par J.S. Bach, dans le « Clavecin bien tempéré »), ce principe ayant été retenu depuis l’intervention de Philippe Hartmann en 1975

- mais aussi la possibilité en sus de reconstituer des jeux du Positif proches de ceux existant entre 1715 et 1789, et l’extension du pédalier à 27 notes (2 octaves env., réutilisant les sommiers de Verschneider), grâce à un financement complémentaire par l’Association locale évoquée ci-dessus (avec l’appui d’une souscription privée)

- et le déplacement de l’ensemble des tuyaux du pédalier dans un nouveau buffet au fond de la tribune, beaucoup plus discret que la disposition de chaque côté du buffet principal, remis ainsi en valeur. Cet appel d’offre aboutit à la sélection par la ville des facteurs d’orgues Michel Formentelli associé

 à Quoirin (père pour l’harmonie, et fille pour les peintures du buffet), et le démontage de l’orgue est réalisé fin 2015, et sa remise en service à partir de l’été 2017. Il reste maintenant à faire revivre musicalement cet instrument, par une utilisation liturgique et culturelle optimale. Pour la partie culturelle, une nouvelle association a été fondée : « l’association des amis des orgues Cavaillé-Coll et Boillot-Verschneider de Nuits Saint Georges » (orguesnuits@outlook.fr), qui regroupe les possibilités musicales des deux églises de notre ville, permettant ainsi de mettre en valeur un répertoire musical élargi.

Présentation de Hubert Dufouleur.

Sources de la partie Historique : Etude préalable à la restauration Eric Brottier (et P.M. Guéritey).

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